La majorité des familles des bénéficiaires sont monoparentales. Les mamans seules assurent le quotidien des enfants. Deux papas sont décédés ce dernier mois. Tous deux pour raisons inconnues. Ici, les gens ne cherchent pas à identifier la nature de la maladie ayant provoqué la mort. Cela laisse la place aux fantasmes d’empoisonnements ou de sorcellerie. Lorsque nous avons appris que l’un d’eux était très malade, avec des difficultés respiratoires, nous l’avons aussitôt amené à l’hôpital pour un test de tuberculose pulmonaire. Résultat négatif. La famille a refusé la proposition pressante des médecins d’effectuer d’autres examens disant qu’une prise de sang provoquerait la mort. Le papa est rentré chez lui. Il est décédé la nuit suivante. A chaque fois que se produit un décès dans les familles des bénéficiaires, nous allons présenter nos condoléances et participons aux frais des obsèques.
Delphine à Fanovozantsoa
C’est une petite fille de 10 ans en grand danger, dénutrie, effectuant toutes les corvées pour sa maman alcoolique et abandonnique.
Nous avons réussi, avec l’appui de la Juge des enfants, à la faire admettre au Centre Fanovozantsoa, petit internat géré par l’association Prométhée Humanitaire.
C’est la première fois que nous réussissons cette démarche pourtant hélas vitale pour protéger des enfants en grand danger dans leur famille.
Le père est un des casseurs de pierres dAndohagara
Martine en danger
C’est une fille de 17 ans, lourdement handicapée mentale et physique, qui vit avec son père tout au fond d’Andohagara.
Nous avons beaucoup travaillé sur cette situation. Le père, à la motivation ambigüe (sans le don de riz et l’octroi d’une allocation de 8 euros par mois, il ne serait pas là), s’en est finalement assez bien occupé depuis 5 ans.
Mais tout est remis en question : le père a rencontré une femme et veut refaire sa vie. Nous sommes inquiets pour Martine, délaissée désormais par son papa. Aucune structure de Majunga ne pourra l’accueillir. La maman et les autres membres de la famille ne veulent rien faire.
Absentéisme
La fin de l’année scolaire approche et plusieurs enfants ont tendance à multiplier les absences des écoles dans lesquelles personne ne s’intéresse à eux. En primaire, les enfants sont de 50 à 80 élèves par classe.
Ainsi une famille d’Aranta avec laquelle nous travaillons depuis 11 ans : 4 bénéficiaires, 1 seul assidu à l’école. La maman, qui élève seule une dizaine d’enfants, est totalement dépassée. Elle se lève pourtant très tôt chaque jour pour vendre du poisson afin de nourrir sa famille. Elle croit aux phénomènes de possession, aux mauvais sorts, à la sorcellerie. C’est ainsi qu’elle explique l’attitude de ses enfants. Le dialogue n’est pas facile.
Risques d’abus sexuels
D’autres absences ont une raison plus précise et très préoccupante.
C’est une famille (nombreuse) d’Andohagara où la maman préfère amener ses deux filles de 12 et 14 ans avec elle en ville (où elle vend des légumes) plutôt que de les voir aller à l’école et rentrer à la maison vers 17 heures où le danger d’abus sexuels est très présent, par ses fils, les copains de ceux-ci, et aussi son compagnon, beau-père des filles. « Je n’ai confiance en personne », dit-elle, des larmes dans les yeux.
Nous pensons qu’elle a de bonnes raisons d’avoir peur pour ses filles. Ses fils ont été relâchés par la police avec six autres garçons après un viol collectif sur une femme du quartier, il y a quelques mois, provoquant un sentiment d’impunité catastrophique.
Peut-on reprocher à une maman de vouloir protéger ses filles, quitte à ce quelles sabsentent de lécole
Priorité à la santé des enfants et des mamans
Depuis quelques temps, nous avons été confrontés à la mort au sein des familles bénéficiaires, à la sous-nutrition, à de nombreuses maladies graves.
Pouvons-nous limiter notre prise en charge des soins de santé aux seuls enfants bénéficiaires ? Que faire pour les fratries, la maman, le papa lorsqu’il est présent ? Jusqu’à présent, nous intervenons (en payant les soins, en conduisant les personnes concernées chez le médecin) pour la famille, de façon ponctuelle, au cas par cas. Mais nous n’avons pas forcément les compétences pour diagnostiquer un malade. Nous réfléchissons à renforcer notre action en matière de santé des bénéficiaires et surtout du reste de la famille vivant avec les enfants.
Sofie et Océane animant une séance avec les enfants
Animations et appui à l’apprentissage du français Sofie et Océane, les deux stagiaires infirmières belges, participent aux animations avec les petits. Guy et Myriam assurent un appui à la compréhension du français, langue de l’enseignement. Jean-Paul anime des séances d’explication des termes médicaux pour les deux bénéficiaires en première année d’écoles d’infirmières. Tout ceci renforce nos actions « parascolaires ».
Guy et Myriam ici, de dos parlent en français chaque semaine avec des bénéficiaires